Chronique Covid-19
– Épisode 2/9 –
Cette crise va bien plus loin qu’une crise sanitaire. Elle arrive à une époque où la mondialisation est consommée, où Internet et les réseaux sociaux règnent, où les choses vont à toute vitesse. Pour le meilleur et pour le pire.
Du scientifique au politique
Scientifiquement, plusieurs interrogations demeurent, même si on a déjà beaucoup appris. Les choses sont allées très vite depuis début 2020 et continuent d’aller très vite. Cette production scientifique considérable est bien sûr un atout majeur dans la lutte contre ce virus. Hélas, beaucoup de choses ont aussi été faites dans la précipitation; des résultats préalables et fragiles ont trop souvent été présentés comme définitifs.
Encore aujourd’hui, certaines informations semblent instables et contradictoires. De plus, on redoute les conflits d’intérêts et l’opportunisme de l’industrie pharmaceutique. Il y a eu le « Lancet Gate », cette publication précipitée d’une étude douteuse en la défaveur de l’hydroxychloroquine. On craint que les études et les stratégies sanitaires soient biaisées par des considérations financières. On soupçonne que l’information scientifique n’a pas toujours été correctement diffusée ou utilisée.
Au début de la crise, presque tous les gouvernements ont été pris de court. Nous n’étions pas prêts à une crise de cette ampleur. Les couacs ont été nombreux. Les capacités de test étaient insuffisantes. En France, l’aide des labos vétérinaires a été longtemps refusée par le gouvernement, alors que des milliers de tests auraient pu être produits avec leur appui. Avec les masques, on a fait un virage à 180° en quelques mois. Les autorités ont été accusées d’impréparation, voire de mensonge et de manipulation. Dans certains pays, une crise profonde de la confiance est en train de se mettre en place.
Toutes sortes d’excès ont été commis. Ce n’est que trop rarement qu’on a pu avoir des avis qui tentent de faire la part des choses et de résoudre les contradictions. Pire encore, des vagues de désinformation ont déferlé sur les réseaux sociaux. Le néologisme « infodémie » est même apparu, désignant une épidémie de désinformation.
Êtes-vous plutôt mouton ou complotiste?
Ces derniers mois, on a l’impression que deux polarités extrêmes s’affrontent. Les plus contestataires accusent les plus conciliants d’être des moutons écervelés, qui appliquent bêtement les consignes d’un gouvernement aux motivations douteuses. Les plus conciliants, à l’inverse, accusent les plus contestataires d’être des imbéciles paranoïaques qui voient le complot partout.
Entre ces extrêmes, on se demande ce que pense majorité silencieuse. Combien de personnes sont véritablement bien informées? Combien de personnes ont encore des avis modérés sur les questions liées à ce virus? Doit-on s’attendre à une polarisation encore plus grande dans les mois à venir? Covido-sceptiques contre Covido-anxieux? Complotistes contre moutons?
Psychologiquement, c’est incontestable, cette crise constitue un stress sérieux pour nous tous. Rien n’est plus comme avant, on ne comprend pas bien les règles, les contraintes, les incohérences ou les paradoxes générés par cette situation. De nombreuses personnes sont dans une situation critique d’un point de vue économique ou social.
Il faut reconnaitre que dans un tel contexte d’adversité, même si tout était parfaitement clair et prévisible, nous constaterions toutes sortes de manifestations de colère, des cris de désespoir, des protestations et un refus d’admettre que la réalité est désormais différente. C’est humain, c’est inévitable.
À la recherche d’un équilibre
Je suis moi-même passé par bon nombre de phases – indignation, découragement, inquiétude, colère. Pour me calmer, pour mieux comprendre, j’ai passé des dizaines heures à me documenter. J’ai finalement décidé d’écrire cet article pour synthétiser ce que j’ai appris. (Pour les plus motivés ou les plus confinés, une longue liste de références est disponible.)
Je suis rapidement devenu accro à l’information la plus fiable, la plus exacte et la plus complète possible. Dès mars, certaines sources indiquaient que cette crise serait longue, qu’il y aurait sans doute une deuxième vague, que rien de tout cela ne serait fini en 2021, qu’on pourrait en avoir pour des années. C’était difficile à concevoir, et plus encore à accepter.
J’ai aussi passé des heures à regarder diverses vidéos sur YouTube. Certaines voix alternatives me semblaient intéressantes, notamment de Didier Raoult et Jean-Dominique Michel. J’ai eu quelques faux espoirs et quelques vraies révélations. J’ai pris peur devant les vidéos anti-masques. L’hydroxychloroquine, quant à elle, je voulais y croire, je trouvais qu’il y avait des trucs pas nets autour de son interdiction.
En septembre, ne voyant pas l’épidémie repartir vraiment, j’ai presque été de ceux qui croyaient que le virus n’était plus une menace, que les choses étaient sous contrôle, que l’inquiétude était disproportionnée. J’ai fini par avoir de la sympathie pour les anti-masques, par croire que trop de liberté nous était enlevée injustement. Ai-je flirté avec le complotisme? Ai-je été trop optimiste? Trop paranoïaque?
Le rôle des opinions minoritaires
Parfois, la frontière est floue entre « discours officiel » et « discours complotiste ». Il n’y a d’ailleurs guère de discours totalement mensonger ou totalement véridique. Tout ce qu’il y a, dans le grand flux médiatique contemporain, ce sont des idées, plus ou moins éparses, plus ou moins extrêmes, plus ou moins correctes, plus ou moins connectées. Comment séparer le bon grain de l’ivraie?
Certes, toutes les sources d’informations ne se valent pas. Loin de là. Il y a des médias plus ou moins respectables. Il y a des sources qui racontent essentiellement n’importe quoi. Mais c’est trop facile de taxer de complotiste tous ceux qui doutent, tous ceux qui émettent un avis différent. Pire, cela attise la colère et contribue sans doute à la polarisation des avis.
Les voix minoritaires soulèvent des arguments qui sont parfois intéressants. Les voix minoritaires les plus virulentes proposent souvent une version excessive de questions que l’on s’est finalement presque tous posées. Des questions qui, en fait, sont extrêmement difficiles. Ce virus est-il vraiment si dangereux? Est-ce qu’on n’en fait pas trop? Ne peut-on pas vivre autrement que dans la peur? Les masques sont-ils vraiment utiles? N’est-ce pas la responsabilité de chacun de se protéger? Peut-on vraiment compromettre des pans entiers de la vie sociale, culturelle et économique avec des confinements à répétitions? Les coûts exorbitants de certaines mesures ne sont-ils pas dangereux pour l’avenir de la jeune génération?