Covid-19: Enjeux sanitaires collectifs

Chronique Covid-19
– Épisode 6/9 –

En dépit des risques individuels qui sont plutôt rassurants, loin de moi l’idée de soutenir que le Covid-19 est une « grippette », que la crise est exagérée ou qu’il suffit que les grands-mères portent des masques pour qu’on puisse rouvrir les boîtes de nuit.

Comparaison n’est pas raison

Avant de parler des modes de transmission et de moyens de protection, commençons par la critique de quelques comparaisons fréquentes. Tout le monde a vu au moins une fois un de ces tableaux qui comparent les morts liés au Covid à ceux de la grippe ou ceux du cancer. Ces comparaisons sous-entendent que la mortalité liée au Covid est moindre que celle liée à d’autres causes, qu’on en fait beaucoup trop avec le Covid, etc.

La comparaison avec la grippe est à la fois simple et compliquée. Compliquée, parce que la grippe, on la connaît et on la maîtrise beaucoup mieux que le Covid. On a même un vaccin. La virulence de la grippe est aussi variable d’une année à l’autre. Pour le Covid, on a encore très peu de recul. D’un autre côté, c’est très simple: le Covid est au moins deux fois plus contagieux que la grippe et cinq à dix fois plus mortel. La grippe fait entre 300’000 et 600’000 morts par année. En moins d’un an le Covid a déjà fait plus de 1.3 millions de morts, et cela malgré des mesures sanitaires drastiques.

Sur la base d’une comparaison avec des phénomènes qui tuent effectivement plus que le Covid, certains en profitent pour ironiser exagérément sur la peur des gens. « Aha, vous avez peur du Covid, alors que cancer tue dix fois plus ». Sauf que le Covid est une maladie infectieuse, transmissible. Vous n’attrapez pas un cancer en 15 minutes dans bus ou un magasin. Le Covid se propage à une vitesse exponentielle et sa transmission est sournoise, ce qui n’est pas le cas du cancer.

Ensuite, même si 3 millions de personnes meurent d’une cause X, est-ce vraiment un argument pour dire que la mort de 100’000 autres de la cause Y est sans importance? Selon cette logique, il faudrait s’attaquer à la cause de mortalité n°1 avant de s’attaquer à toutes les autres. C’est l’éternel argument « Mais quand même, y’a pas des trucs plus graves dans le monde? » Sans doute. Mais ce n’est pas une raison pour ignorer tout le reste.

Certes, de nombreux problèmes de santé publique ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent (tabagisme, obésité, alcoolisme, etc.), mais ce sont des problèmes différents. Ceci dit, la plupart des facteurs de risque liés au Covid, sinon tous, sont liés à des problèmes de santé publique évitables (malbouffe, sédentarité, pollution). Le Covid met donc clairement en relief des problèmes réels. 

Transmission et protection

Si le Covid constitue un défi si considérable, ce n’est pas vraiment à cause de son taux de létalité, qui est finalement plutôt modeste. Evidemment, 1% ou même 0.1%, à l’échelle d’une société, ça fait des dégâts. C’est clairement une partie du problème. L’autre partie, et pas des moindres, c’est que ce virus est discret et sournois. Ce virus ne provoque pas des symptômes immédiats; il n’en provoque parfois même pas du tout.

Pour autant, même dans sa version asymptomatique ou dans sa phase pré-symptomatique, le virus est contagieux. En cela, le SARS-CoV-2 est très différent du SARS-CoV-1, du MERS, d’Ebola ou encore du H1N1, qui sont tous des virus plus faciles à détecter et donc plus faciles à contenir. Cette diffusion discrète du Covid est la raison essentielle pour laquelle on ne parvient pas à juguler cette pandémie.

Les questions autour de la transmission de ce virus sont parmi les plus difficiles, aussi bien scientifiquement que politiquement. On a su très tôt que c’était un virus respiratoire et qu’il se transmettait un peu comme la grippe ou le rhume. Mais sur les détails, le débat fait rage et certaines incertitudes demeurent. Aujourd’hui, on reconnaît schématiquement deux modes de transmissions: soit par grosses gouttelettes, soit par petites gouttelettes (aérosols).

Les grosses gouttelettes sont en quelque sorte des postillons. Lorsqu’on parle dans des circonstances normales, elles sont émises à une distance relativement faible. C’est pour les éviter que l’on recommande une distance interpersonnelle de 2 mètres. Ces gouttelettes sont relativement lourdes et se déposent assez rapidement sur les surfaces environnantes. C’est pour cette raison qu’il faut souvent se laver les mains. On peut être contaminé si des gouttelettes porteuses du virus entrent en contact avec les yeux, le nez ou la bouche, directement ou indirectement, en passant par les surfaces puis les mains portées au visage.

La transmission par grosses gouttelettes était le modèle prédominant au début de la pandémie. Toutefois, de plus en plus, il s’avère que le Covid se transmet beaucoup (voire davantage) par petites gouttelettes. Ces fines particules, émises lorsque l’on parle et respire, sont beaucoup plus légères. Elles sont capables de flotter dans l’air beaucoup plus longtemps. En intérieur, l’effet de ces particules est potentiellement dévastateur. Elles sont présentes dans des espaces clos, typiquement des bureaux ou des appartements, et peuvent se transmettre d’une personne à l’autre même si la distance est respectée. Le risque est d’autant plus grand que l’on reste longtemps dans la même pièce sans l’aérer.

En l’état des connaissances actuelles, les facteurs de risque peuvent être récapitulés dans le tableau 2 ci-dessous. À noter que les risques s’additionnent, voire se multiplient.

Tableau 2. Situations à faible risque et à risque élevé

Faible risqueRisque élevé
Peu de personnesBeaucoup de personnes
Ne parlent pas ou peuParlent fort ou chantent
Portent le masqueNe portent pas le masque
À l’extérieur / bien ventiléEn intérieur mal ventilé
Durée de contact brèveDurée de contact longue

En résumé:

  • Situations à risque élevé: dans les lieux à forte densité de population et mal ventilés; dans toutes les situations où le contact est prolongé sans que les gens portent de masque. Une fête à dix personnes dans un appartement, sans masques ni aération fréquente, constitue déjà une situation très à risque.
  • Situations à faible risque: à l’extérieur quand la densité de population est faible; dans la plupart des situations où l’on porte le masque et où le contact est bref. En appartement, avec masques et une bonne ventilation, le risque est faible également, dans la mesure où l’on reste en petit comité.
Un défi collectif

À la lumière de toutes ces informations sur les risques de transmission et leur prévention, il y a des choses qui rassurent et d’autres qui dépriment franchement.

Tout de suite, on voit bien que Noël et la St-Sylvestre constituent des situations à risque élevé: beaucoup de personnes qui parlent fort ou chantent en intérieur pendant plusieurs heures réunissent quasiment tous les facteurs de risque. On ne peut pas mettre de masque car on mange sans cesse, et on ne peut pas ouvrir la fenêtre plus de cinq minutes à cause du froid. Par conséquent, il faudrait peut-être renoncer à ce genre de fêtes, sauf en très petit comité.

On voit bien aussi que pour les bars et les restaurants, l’industrie du spectacle et l’événementiel en général, les choses seront compliquées en 2021. Il faudra réduire la densité des personnes, augmenter l’aération. Pour les cinémas, spectacles, théâtres, etc., la même logique s’applique, avec en outre la possibilité de porter un masque. Le plus difficile, ce sera pour les bars, les salles de sport et les salles de concert. Les festivals également. À l’extérieur, la transmission est moindre, mais il ne faut pas que la densité de population soit importante.

Pour que toutes ces activités puissent reprendre au mieux, il faut donc être très bien informé sur les facteurs de risques et les outils de protection. Il faut faire preuve d’autodiscipline, non seulement dans l’espace public mais aussi dans l’espace privé. Il faut réussir à faire baisser la circulation de ce virus, dans l’immédiat et à plus long terme. L’objectif n’est évidemment pas de faire le dos rond jusqu’à Noël, mais de tenir sur la durée, au minimum jusqu’au printemps, et probablement plus longtemps (avec des contraintes qui seront sans doute allégées d’ici là, grâce aux vaccins et aux tests rapides).

Si on arrive à bien comprendre quelles sont les situations plus ou moins à risque, on peut s’aménager un rythme de vie qui permet de conserver une vie sociale. Ceci, évidemment, dans la mesure où certains gouvernements arrêtent de mettre en place des règles liberticides qui n’attaquent que très indirectement la propagation du virus. Toutefois, ces mesures désespérées se justifient aussi parce que l’on n’a pas encore les bons réflexes au quotidien. L’équilibre est clairement difficile à trouver.

Une épreuve surmontable

Ce qui est rassurant, c’est qu’une meilleure compréhension des modes de transmission du virus montre qu’il n’est pas nécessaire de se priver de tout. Pour commencer, la plupart des choses qui se font en extérieur sont sans danger. En cas de doute, on peut en plus porter un masque. Dehors, à plus forte raison en portant un masque, on ne risque rien, même en ville (à moins de faire exprès de rechercher des endroits bondés et d’y passer des heures).

Empêcher les gens de sortir pour se promener n’est pas fondé sur grand-chose. Laissons les gens se promener tranquilles, laissons les gens marcher 10 kilomètres s’ils en ont envie. Il est impératif que l’on puisse au moins aller dans les parcs, prendre l’air, faire du sport à l’extérieur. Le risque de se blesser en promenade n’est pas plus grand que de subir un accident domestique. Avec un peu de discipline (distance ou masque), on peut même voir ses amis et sa famille sans danger à l’extérieur. 

On peut même aller chez quelqu’un sans prendre des risques considérables, rendre visite à un ami ou à un membre de sa famille. Il faut par contre éviter d’en voir dix dans la même journée et de leur sauter dans les bras à chaque fois. Mais être à deux ou trois dans un appartement, ce n’est pas un problème. Il suffit de respecter la distance et penser à bien aérer. Si l’on reste longtemps, il faut peut-être envisager de porter le masque ou alors d’aller dehors. C’est un peu bizarre car ce n’est pas dans nos habitudes, mais ce n’est pas non plus si contraignant.

On peut aussi voir des personnes à risque. Si on est en extérieur, sur un banc ou un balcon avec un masque, le risque de transmission est infime. On peut tout à fait se tenir la main. Il suffit juste de se désinfecter raisonnablement les mains. Évidemment, se tenir la main tout en portant un masque, ce n’est pas pareil que d’être sans masque et de se prendre dans les bras, mais c’est déjà mieux que laisser les personnes à risque seules chez elles ou de ne pas les toucher du tout. N’isolons pas les personnes à risque au-delà du raisonnable!

Finalement le plus simple est peut-être d’avoir une stratégie à trois vitesses:

  1. Définir un très petit nombre de personnes avec qui on interagit normalement. Dans l’écrasante majorité des cas, il est ridicule de porter un masque à la maison, avec son conjoint ou ses enfants.
  2. Avec les autres, appliquer les règles évoquées jusqu’ici, avec prudence mais sans excès. Pas besoin de vivre continuellement dans la peur. Il suffit de respecter quelques règles, de voir peu de personnes à la fois et d’espacer les visites.
  3. Redoubler de prudence avec les personnes à risque. C’est contraignant, mais ça ne nous empêche de les voir pour autant. Si cette crise est amenée à durer, il est crucial de garder contact avec ces personnes.
Aide-mémoire
Les trois « M »
de la prévention
– deux mètres de distance
– lavage des mains
– port du masque 
Les trois « P »
des situations
à risque
– espaces peuplés
– forte proximité
peu d’aération
Lire la suite, Covid-19: Exigences irréconciliables

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