Humain X.0: L’évolution, théorie controversée

(Temps de lecture: 4-5 minutes)

On entend parfois dire parfois que la théorie de l’évolution est « juste une théorie ». C’est en effet une théorie, mais au sens très fort du terme. En clair, l’évolution est à la biologie ce que la gravité est à la physique: un concept ultra solide qu’aucun scientifique sérieux n’oserait remettre en question.

La théorie de l’évolution n’est pas « juste une théorie » 


Preuves en faveur de la théorie
. On trouve des preuves en faveur de la théorie de l’évolution dans un nombre considérable de phénomènes. Il y a tout d’abord l’évolution en action, qui se déroule chaque jour sous nos yeux, avec l’évolution des virus et des bactéries, qui échappent parfois à notre immunité et nos antibiotiques. Il y a ensuite l’arbre du vivant (arbre phylogénétique), qui met en évidence les liens de parenté entre les espèces. Cette classification repose sur la synthèse de plusieurs disciplines.

Arbre phylogénétique simplifié

Source: Wikipédia

L’anatomie comparée, tout d’abord, met en évidence des analogies entre espèces voisines, comme la présence d’un squelette à la structure similaire chez tous vertébrés. On retrouve de nombreuses similitudes de ce genre, telles les caractéristiques des mammifères présentes chez les cétacés. Baleines et dauphins respirent avec des poumons, ont le sang chaud et allaitent leur petits (contrairement aux poissons) car ils partagent avec nous un ancêtre récent.

L’arbre phylogénétique est aussi démontré par l’embryologie et la génétique moléculaire. On retrouve plus de ressemblances dans le développement des embryons d’espèces proches que d’espèces éloignées. L’analyse de l’ADN à un niveau moléculaire démontre également des points communs au sein du génome chez toutes les espèces vivantes, avec toujours une similitude d’autant plus grande que les espèces sont proches. Toutes les créatures sont liées; toutes ont été façonnées par l’évolution.

Enfin, la biogéographie (l’étude des répartitions des populations animales) et la paléontologie (l’étude des fossiles) permettent de retrouver l’ancêtre commun et de reconstituer l’histoire évolutive de nombreuses espèces, en prenant en compte des phénomènes géologique tels que les changements climatiques et les mouvements des plaques tectoniques. Toutes ces disciplines se nourrissent et se confirment mutuellement.

« Rien n’a de sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution »

T. Dobzhansky (1973)


Eugénisme et créationnisme. Bien au-delà des aspects scientifiques, les controverses liées à l’évolution sont nombreuses. L’évolution a été (et est encore) au cœur de plusieurs débats majeurs de société. En résumé, la théorie de l’évolution est surtout malmenée par deux courants de pensée: les fanatiques « pro-évolution » et les fanatiques « anti-évolution ».

Les premiers sont les eugénistes, ceux qui espéraient améliorer l’espèce humaine à l’aide d’un programme de sélection analogue à celui d’un élevage de poulets. Discutable d’un point de vue moral, un tel projet repose sur une conception erronée et fantasmatique de l’évolution. Difficile d’améliorer la société humaine avec un programme de sélection: les variables sont trop nombreuses, impossible de déterminer de façon fiable ce qu’il faudrait sélectionner.  Ne laisser se reproduire entre eux qu’un petit nombre de personnes (les grands blonds intelligents, les membres de lignées royales, etc.) est une démarche dangereuse et incertaine.  

Vouloir améliorer l’humain par le biais de la sélection est chimérique et dangereux

Notons au passage que cette question est quand même profondément complexe. L’eugénisme au sens « Hitlérien » a bien sûr été réfuté, aussi bien moralement que scientifiquement. Toutefois, certaines questions sont revenues dans le débat, notamment à travers les possibilités offertes par le diagnostic prénatal, qui permet de détecter des anomalies génétiques in utero, puis éventuellement d’interrompre la grossesse.

Dans la même veine, nous allons sans doute au-devant de questions éthiques très délicates avec le transhumanisme, ce courant qui représente divers projets plus ou moins réalistes de modification du corps humain, y compris du cerveau, à des fins supposées d’amélioration. Le débat est vaste et nous y reviendrons.

Logo d’une conférence sur l’eugénisme (1921)

Source : Wikipedia

Les fanatiques anti-évolution, quant à eux, sont les créationnistes. Ils livrent une guerre acharnée contre la théorie de l’évolution. Ceci est surtout vrai aux États-Unis où environ une personne sur deux refuse l’idée même d’évolution. Les créationnistes les plus extrêmes interprètent la bible d’un point de vue littéral et considèrent par exemple que la terre n’a que 4000 ans. Il existe aussi des créationnistes moins extrêmes, les partisans du « Dessein Intelligent ». Ceux-ci admettent certains faits scientifiques (âge de la terre, ancêtre commun des animaux), mais ramènent quand même tout à la volonté de Dieu…

La théorie du « Dessein Intelligent » est une religion déguisée en science

Par extension, dans le grand public et même dans le monde académique, on retrouve différentes « interprétations » de la théorie de l’évolution. On peut par exemple accepter la théorie de l’évolution uniquement pour le règne animal mais pas pour l’être humain. Ou alors soutenir que l’évolution n’a façonné que les caractéristiques physiques de l’être humain, et pas son esprit ou sa culture. Comme nous le verrons petit à petit, toute ces délimitations sont artificielles et n’ont pas lieu d’être. 

Une théorie qui fait peur. Le Darwinisme a été accusé d’être une théorie sombre, qui n’implique qu’égoïsme, prédation et souffrance. Mais ceci n’est qu’une simplification grossière. L’évolution est plus grande que cela; elle est certes à l’origine de comportements égoïstes et brutaux motivés par le gain à court terme, mais elle a aussi donné lieu à des comportements de coopération très sophistiqués. L’évolution est sous-jacente à tous les comportements du règne animal, quels qu’ils soient, aussi bien ceux que nous trouvons admirables que ceux que nous trouvons méprisables.

La théorie de l’évolution n’est pas « la loi du plus fort »

La peur des dérives est compréhensible, surtout étant donné certains excès du passé. Mais cette peur ne devrait pas entraver la recherche. Tout d’abord, il est toujours avantageux de comprendre le monde. Tourner la tête face à une réalité déplaisante ne la fait pas disparaitre. S’il y a un problème, autant le voir en face. Par ailleurs, une explication scientifique n’est jamais dangereuse en elle-même. C’est l’usage qu’on en fait qui peut l’être. Indépendamment de la théorie, on peut donc toujours questionner les usages.

Le rejet de l’évolution est parfois aussi associé à un rejet de la génétique et d’une idée fausse qui lui est associée: le déterminisme génétique, c’est-à-dire l’idée selon laquelle notre existence entière serait entièrement déterminée par nos gènes. Ce n’est absolument pas le cas. Les relations entre les gènes, l’environnement et les comportements sont extrêmement complexes. Toute existence, même celle de l’animal le plus simple, comporte une grande part d’imprévisibilité. (On y reviendra.)

Notre destin n’est pas écrit dans nos gènes (ni dans quoi que ce soit d’autre)

En définitive, les arguments « émotionnels » ne doivent pas être confondus avec les arguments scientifiques, qui sont très clairs et sans équivoque. Difficile pourtant d’accepter cette théorie qui réfute la notion de Créateur avec un plan et une intention pour l’humanité. Difficile d’accepter que l’être humain n’est qu’un animal parmi d’autres, que notre existence n’a rien de magique ou de surnaturel. Comme nous le verrons, une certaine ironie tient au fait que les caractéristiques centrales à l’être humain (intelligence, langage, coopération, religion, morale, etc.) ont elles-aussi été façonnées par l’évolution.

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